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Des autoportraits pour changer notre perception de la dépression

Image credits / Shannen Woods

La perception que vous avez de vous-même et du monde qui vous entoure compte pour beaucoup dans la façon dont vous assumez la dépression.

Les histoires que nous nous racontons ont un effet puissant, et encore plus lorsqu’on les partage avec autrui.

C’est pourquoi j’ai demandé à des membres de la communauté The One Project de nous présenter un autoportrait, afin que nous puissions plus facilement identifier les similitudes et les différences nettes dans la manière dont chacun de nous vit et compose avec la dépression et l’anxiété.

En tant que communauté, nous encourageons nos membres (ainsi que toute personne ayant un problème de santé mentale) à décrire leur expérience avec honnêteté et sans complaisance, tout en comprenant et en respectant où vous en êtes dans votre parcours.

En faisant preuve de créativité, vous rendez votre discours tellement plus expressif. Comme d’autres membres de la communauté The One Project et moi-même en avons fait l’expérience, l’ajout d’éléments non verbaux à la conversation, comme des photos, ouvre tout un éventail de possibilités de communication.

Plus nous parlerons de ce que signifie vivre avec une maladie comme la dépression — des bons comme des mauvais aspects, de ce qui fonctionne ou non pour vous, de vos stigmates et de vos progrès —, plus nous aurons de chances que tous s’en portent mieux.

Voici sept récits faits par des membres de notre communauté.

Je laisse les histoires de nos membres parler d’elles-mêmes.

Je croyais que rien ne pouvait me briser, par Peter Engberg

Peter Engberg

Au cours des deux dernières années, j’ai souvent croisé cet arbre tombé par terre. Une épinette adulte de 60 à 70 ans ayant atteint une hauteur de 20 mètres et pesant plus de 1000 kilos peut s’écrouler en quelques secondes. Un arbre grand et robuste peut, en même temps, être tellement fragile. Soudain, le vent devient plus fort qu’elle, et l’épinette perd la bataille. L’épinette qui pousse au milieu de la forêt, entourée d’autres épinettes.

Comment est-ce possible? Pourquoi cet arbre-ci?

Depuis la tempête de l’an dernier à Helsinki, le sol de Central Park est jonché d’arbres qui sont tombés. Certains ont été enlevés et d’autres reposent toujours à terre dans la forêt. Arbre parmi les arbres, cette épinette m’a rappelé la vulnérabilité humaine.

Plus spécifiquement, elle m’a rappelé ma propre vulnérabilité. Avant de devenir sérieusement malade, je n’imaginais pas qu’un jour je pourrais être atteint de troubles mentaux. Je n’arrivais pas à comprendre que je souffrais d’une maladie à un point tel, que j’en perdais la maîtrise de ma vie. Je crois que c’est également la raison pour laquelle j’ai si longtemps refusé d’admettre cette idée. Je ne m’étais pas accordé de temps pour souffrir. C’est tout simplement impossible; un homme robuste comme moi ne peut pas capituler devant le pouvoir de son esprit et les problèmes qu’il crée.

Céder à l’esprit est un signe de faiblesse. Je n’ai pas le droit d’être faible. Durant mon éducation, on me rappelait toujours de ne pas être faible. On n’a pas le droit d’être faible.

Je suis passé par de fortes émotions lorsque j’ai pris cette photo. Cette image touche mon moi intérieur, ma sensibilité, laquelle pourrait aussi être ma ressource. Lorsque j’étais adolescent, j’ai fait de ma sensibilité mon pire ennemi. Je tentais de dissimuler mes sentiments en toutes circonstances. Un art dans lequel j’étais passé maître, à un point tel d’ailleurs, qu’à la fin, je n’avais plus accès à mon esprit et n’entendais plus ce qu’il me disait. J’étais devenu étranger à moi-même.

Peut-être que c’est cela le sens de la maladie. Notre esprit nous protège. Et le mien a finalement eu le dessus sur moi et m’a arrêté. Il m’a donné une chance. Il m’a donné une occasion d’apprendre à écouter mes sentiments et à me guérir.

J’étais un inconnu pour moi-même. Grâce à la photographie, je peux construire ma propre identité. Une identité que je peux voir et comprendre. Je peux me révéler d’une manière qui me semble acceptable. Je puis me détacher du stéréotype du mâle (quel que soit ce que cela signifie). On ne peut pas redresser l’arbre, mais on peut se relever soi-même. Se rebâtir nécessite beaucoup de volonté.

Cette image illustre également le caractère unique des êtres humains. Je peux guérir par moi-même. J’ai, pour ce faire, le don, et une occasion m’en a été donnée. Je suis privilégié; je suis en route vers une vie meilleure. Majestueuse épinette qui se brise, ta vie prend fin à la minute même.

Publier ce texte me fait peur, mais je vais le dire ouvertement : je suis malade, je suis faible et je suis très vulnérable.

En même temps, je suis très heureux d’oser le faire à ce stade.

Un jeu pas amusant, par Melanie Hood

Melanie Hood

Dans ma tête, je récrée continuellement la petite maisonnette où j’ai été abusée sexuellement à l’âge de 5 ans. Peut-être qu’un jour j’arriverai à m’en échapper.

Multitudes, par K. M. M. Henry

K. M. M. Henry

stressée les jours fériés –

marcher, parler, dessiner, claquer des doigts, s’étirer, boire, manger –

dormir tard, passé midi

Perdre l’esprit, par Shayla Lewis

Shayla Lewis

3 h10 Viens juste de me réveiller. Pas capable de me rendormir. Des pensées et des conversations de mon passé commencent à défiler dans ma tête. Puis je commence à penser à la journée qui m’attend et à tout ce qu’il faut faire. Je suppose que je ferais mieux d’aller faire du café et de prendre mes médicaments tandis que j’y suis. Je cale au moins trois tasses puis je vais prendre ma douche. Les enfants sont réveillés à présent… le bruit, les gémissements et les chamailleries commencent. Je sens que ma tête va exploser et je commence à me fâcher. « Mon Dieu, est-ce qu’ils vont finir par partir !!! » Je les pousse désespérément vers la porte, en hurlant, afin de pouvoir être seule. Enfin ils sont partis ! Il ne reste plus que moi et mes pensées.

Mon âme est remplie de chagrins, de déceptions et de rêves brisés. Je me mets à penser aux amours perdues, aux occasions manquées. Je rate tout, je suis seule, personne ne veut de moi. Je suis grosse et laide. J’ai envie de pleurer, de crier, puis de disparaître. Je suis une mère horrible. Pourquoi ne puis-je pas être heureuse, tout simplement? C’est trop pour moi… Je dois faire quelque chose, maintenant!

Alors je fais la seule autre chose qui me soulage : je mange. Je vais dans la cuisine et je vide l’armoire et le réfrigérateur. Trop mangé. Je vais encore prendre du poids si je garde tout ça à l’intérieur. Alors je vais à la salle de bain et je me fais vomir. La nourriture est sortie, je me sens soulagée à présent, mais ça brûle en dedans. Ma santé en a pris un coup en 20 ans de boulimie. Je suis épuisée et je m’ennuie. J’aimerais bien avoir envie de faire quelque chose, mais je n’ai ni intérêt, ni motivation. Peut-être vais-je regarder la télé, mais ça hurle tellement dans ma tête que je n’arrive pas à me concentrer. J’éteins le téléviseur et c’est de nouveau le silence absolu.

Mon esprit commencer à errer.

Les enfants vont bientôt arriver. Je déteste ce moment de la journée. Quand les enfants reviennent, c’est le chaos qui commence. Je n’ai pas de patience. La maison est un vrai bordel. Bon, je vais au moins faire la vaisselle et passer l’aspirateur, comme ça je n’aurai pas l’air de m’être apitoyée sur mon sort toute la journée.

Les enfants sont rentrés à présent, et le bruit avec. Si seulement je n’étais pas leur mère… c’est trop dur… tout est trop dur! Je suis tannée d’être fauchée et seule. Je hais ma vie!

Faut que je sorte d’ici. Je vais fumer une cigarette dehors. Entre deux bouffées, je me demande « pourquoi suis-je ici? », « pourquoi ne pas mourir, tout simplement? » Je suis au bord des larmes. Je dois me ressaisir. Je retourne à l’intérieur et je prépare le dîner. C’est calme à présent. Dieu merci, c’est bientôt l’heure de dormir. Je joue avec mes enfants et regarde un peu la télé avec eux jusqu’à ce qu’ils s’endorment.

Il ne reste plus que moi et mes pensées.

Je suis contente que la journée soit terminée, mais je n’ai pas hâte à demain, parce que jour après jour, ma vie est toujours la même, vide et misérable.

Vol. 2 – Chat échaudé craint l’eau froide, par Jelani Woods du groupe 4thePPL

Jelani Woods

Je ne sais plus comment appeler ça.

Je ne dirais pas que c’est de la tristesse, je ne dirais pas que c’est de la folie.

Juste quelque chose qui ne va pas.

 

— Bazzi

Je ne pense pas avoir jamais été aussi nerveux en prenant une photo. Il s’est passé toute sorte de choses que je ne fais pas habituellement : choisir intentionnellement des ombres disgracieuses, assombrir le contour des yeux au lieu de les cacher, et le plus évident, poser pour cet autoportrait. Pour moi, ce visage est plus réel que vous le ne croyez. Pour moi, ce visage est celui que je vois lorsque je me tire du lit. La vue des poches sous mes yeux me fait oublier le succès des jours passés. Je m’appelle Jelani, et ceci est le visage de ma dépression.

Pérégrinations architecturales, par Shannen Woods

Liz Michels

Pour mieux faire face à mes problèmes de santé mentale, j’ai commencé à prendre des photos en attendant l’autobus ces derniers mois. Cette image montre ce que c’est, la plupart du temps, que d’attendre que la dépression ou l’anxiété s’enclenchent. Même si ça ne se produit pas, on est dans l’expectative.

Soyez radieux lorsque les jours sont gris, par Liz Michels

Liz Michels

Je m’appelle Liz Michels et j’ai 29 ans. Je fais face à beaucoup de difficultés dans la vie, mais au lieu d’abandonner, je m’en remets à cette devise toute simple qu’il faut créer soi-même son propre rayon de soleil. Bien sûr, certaines de mes journées sont grises. Ces jours-là, j’en profite pou réfléchir et refaire le plein. Mais même s’il arrive parfois que des nuages assombrissent mes journées, je ramène toujours le soleil dans ma vie. Mon but dans la vie, c’est d’apprécier jusqu’aux choses les plus petites et d’avoir une bonne attitude. Comme le dit la chanteuse Rihanna, « Tournez-vous face au soleil et votre ombre disparaîtra ». Peu importe à quel point mes journées s’ennuagent, je garderai toujours mon visage tourné vers le soleil. Mon objectif dans la vie, c’est d’aider les gens à créer leur propre rayon de soleil.

Partagez votre histoire

Nous avons tous une histoire à raconter – et même si vous vous identifiez à l’une de celles-ci, voire à chacune d’elles, vous pouvez contribuer à changer l’image que l’on a de la santé mentale et ce qu’on en dit en vous faisant entendre et en partageant votre propre expérience.

Si utiliser la photographie pour mieux affronter vos symptômes de dépression vous intéresse, tentez l’expérience. Les autoportraits sont toutefois ce qu’il y a de plus intense et de plus difficile. Alors n’hésitez pas à commencer par n’importe quelle type de photo qui attire votre attention ou vous parle et qui traduit bien ce que vous désirez dire. Vous n’êtes même pas obligé d’employer des mots si c’est votre premier témoignage; laissez juste la photo parler à votre place.

J’adorerais entendre votre histoire.

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